Pas d’interdiction generale de consommer de l’alcool sur le lieu de travail

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L’employeur qui souhaite interdire toute consommation d’alcool dans l’entreprise doit justifier de la légitimité de cette mesure.

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Selon un Arrêt de rejet du Conseil d’Etat rendu le 12/11/2012, en l’absence de situation particulière de danger ou de risque, pour le salarié et pour les tiers, l’alcool ne peut être interdit par le règlement intérieur d’une entreprise. Pour interdire la consommation de boissons alcoolisées dans l’entreprise, le règlement intérieur doit se fonder sur des éléments caractérisant l’existence d’une situation particulière de danger ou de risque (ex : conduite d’engin de chantier, de grue, etc.). A défaut, cette stricte interdiction excède les sujétions que l’employeur peut légalement imposer dans l’entreprise.

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Le règlement intérieur fixe des règles dans le domaine de l’hygiène, de la sécurité et de la discipline. Il est obligatoire dans les entreprises employant au moins 20 salariés. Le document doit être soumis au comité d’entreprise s’il en existe un et, pour les parties relevant de sa compétence, au Comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail. Enfin, le règlement intérieur doit être déposé au greffe du tribunal des prud’hommes dont dépend l’établissement, être affiché sur les lieux de travail dans un endroit accessible et communiqué à l’inspecteur du travail (articles L1321-1 et suivants du Code du travail).

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Dans cette affaire, après qu’elle ait déposé, conformément à la loi, un exemplaire de son règlement intérieur, une société s’est vue opposer une demande de retrait de certaines mentions. En effet, l’inspecteur du travail a exigé, conformément à l’article L1322-1 du Code du travail, le retrait des dispositions du règlement intérieur, relatives à l’interdiction générale de consommer de l’alcool dans l’entreprise, à savoir celles stipulant que « la consommation de boissons alcoolisées est interdite dans l’entreprise, y compris dans les cafétérias, au moment des repas et pendant toute autre manifestation organisée en dehors des repas« .
Le directeur régional du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle de la région a ensuite annulé, à la demande de la société, la décision de l’inspecteur du travail. Le recours a été porté devant la justice administrative, jusque devant le Conseil d’Etat.

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Dans un arrêt du 12 novembre 2012, la Haute juridiction de l’ordre administratif a estimé que si l’employeur peut, lorsque des impératifs de sécurité le justifient, insérer dans le règlement intérieur des dispositions qui limitent la consommation de boissons alcoolisées de manière plus stricte que l’interdiction posée par l’article R4228-20 du code du travail, de telles dispositions devaient, conformément à l’article l’article L1321-3 du même code, rester proportionnées au but de sécurité recherché.
Tel n’est pas le cas des dispositions qui « interdisent toute consommation d’alcool » sans se fonder sur des éléments caractérisant l’existence d’une situation particulière de danger ou de risque, et excédaient, par leur caractère général et absolu, les sujétions que l’employeur peut légalement imposer.

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En conséquence, sans justification, le règlement intérieur d’une entreprise ne peut s’opposer aux droits de la personne et à la liberté individuelle, à savoir que le salarié peut consommer du vin, de la bière, du cidre et du poiré à la cafétéria, au moment des repas et pendant toute autre manifestation organisée en dehors des repas (article R4228-20 du Code du travail).

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Arrêt du Conseil d’Etat, Contentieux, rendu le 12/11/2012, rejet (349365)

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Vu le pourvoi, enregistré le 17 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté par le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ; le ministre du travail, de l’emploi et de la santé demande au Conseil d’Etat :

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1°) d’annuler, en ce qui concerne le quatrième alinéa de l’article 2 – 3) de la partie I du règlement intérieur de la société Caterpillar France, l’arrêt n° 09LY01581 – 09LY01608 du 8 mars 2011 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement n° 0603541 du 4 mai 2009 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé pour excès de pouvoir, à la demande du comité d’entreprise de cette société, la décision du 15 mai 2006 par laquelle le directeur régional du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle de la région Rhône-Alpes a annulé la décision de l’inspecteur du travail exigeant le retrait de certaines dispositions de ce règlement intérieur ;

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2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

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(…)

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Sur les conclusions du pourvoi du ministre du travail, de l’emploi et de la santé :

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2. Considérant qu’aux termes de l’article L122-34 du code du travail, devenu l’article L1321-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige :  » Le règlement intérieur est un document écrit par lequel l’employeur fixe exclusivement : / – les mesures d’application de la réglementation en matière d’hygiène et de sécurité dans l’entreprise ou l’établissement (…)  » ; qu’aux termes de l’article L122-35 du même code, devenu l’article L1321-3 : (…)  » Le règlement intérieur (…) ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. (…)  » ; qu’aux termes de l’article L230-2 du même code, devenu l’article L4121-1 : «  I. – Le chef d’établissement prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs de l’établissement, y compris les travailleurs temporaires  » ; qu’enfin, aux termes de l’article L232-2 du même code, dont les dispositions ont été en partie reprises à l’article R4228-20 : «  Il est interdit à toute personne d’introduire ou de distribuer et à tout chef d’établissement (…) de laisser introduire ou de laisser distribuer dans les établissements et locaux mentionnés à l’article L231-1, pour être consommées par le personnel, toutes boissons alcooliques autres que le vin, la bière, le cidre, le poiré, l’hydromel non additionnés d’alcool.  » ;

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3. Considérant, en premier lieu, que, par l’arrêt attaqué, la cour administrative d’appel de Lyon a jugé qu’il résultait des articles cités ci-dessus que si l’employeur pouvait, lorsque des impératifs de sécurité le justifient, insérer dans le règlement intérieur des dispositions qui limitent la consommation de boissons alcoolisées de manière plus stricte que l’interdiction posée par l’article L232-2 du code du travail, de telles dispositions devaient, conformément à l’article L122-35 de ce code, rester proportionnées au but de sécurité recherché ; qu’en statuant ainsi, et alors même qu’il appartient à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer, conformément à l’article L230-2 du même code, la santé des travailleurs de l’établissement, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ;

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4. Considérant, en second lieu, qu’en jugeant que les dispositions du règlement intérieur de l’établissement de Grenoble de la société Caterpillar France, qui prévoient que  » La consommation de boissons alcoolisées est interdite dans l’entreprise, y compris dans les cafétérias, au moment des repas et pendant toute autre manifestation organisée en dehors des repas  » n’étaient pas fondées sur des éléments caractérisant l’existence d’une situation particulière de danger ou de risque, et excédaient, par suite, par leur caractère général et absolu, les sujétions que l’employeur peut légalement imposer, la cour n’a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ;

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5. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le ministre du travail, de l’emploi et de la santé n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge, tant de l’Etat que de la société Caterpillar France, le versement d’une somme de 1.500 euros chacun au comité d’entreprise de la société Caterpillar France, au titre de l’article L761-1 du code de justice administrative ;

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DECIDE :

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Article 1er : Les pourvois du ministre du travail, de l’emploi et de la santé et de la société Caterpillar France sont rejetés. 
Article 2 : L’Etat et la société Caterpillar France verseront chacun au comité d’entreprise de la société Caterpillar France une somme de 1.500 euros au titre de l’article L761-1 du code de justice administrative.
Articles 3 : La présente décision sera notifiée au ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, à la société Caterpillar France et au comité d’entreprise de la société Caterpillar France.

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M. Bernard Stirn, président

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Source : Net-iris

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