Validité de la surveillance de l’assuré par l’assureur sur la mobilité et l’autonomie

Cour de cassation  chambre civile 1  Audience publique du mercredi 31 octobre 2012 

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L’affaire

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Une victime d’un accident de la route demande l’assistance permanente d’une tierce personne 24h/24h à son assurance, du fait de l’aggravation de son état de santé. L’assurance procède à une surveillance et des filatures durant trois jours, par un détective privé et un huissier sur la voie publique et sans stratagème particulier.

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Au terme de l’enquête, le détective privé démontre que l’assuré sort, fait des achats, lit des journaux, converse avec des personnes, participe à des tournois de boules, …

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Est-ce que le dispositif de surveillance et de filature porte atteinte à la vie privée de l’assuré ?

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 Décision de la Cour de Cassation

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Non-atteinte à la vie privé de l’assuré qui a fait l’objet de filatures et de surveillance par un détective privé et un huissier, durant trois jours.

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L’action de l’assureur n’est pas disproportionnée, car d’une part, l’assureur a l’obligation de vérifier si la demande en réparation est justifiée, dans l’intérêt de la collectivité des assurés ; et d’autre part elle était limitée dans le temps et se bornait à la constatation de mobilité de l’assuré et de son autonomie.

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La constatation par un huissier de cet état, sur la voie publique, sans stratagème, n’est pas un procédé clandestin.

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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

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Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 janvier 2011), que M. X…, indemnisé en son temps des préjudices consécutifs à l’accident de circulation dont il avait été victime le 19 février 1995, puis, selon nouveau rapport d’expertise judiciaire, ordonné en 2008 suite à l’allégation d’une aggravation de son état de santé, déposé le 22 septembre 2009, et concluant à la nécessité d’une assistance permanente en raison de sa perte d’autonomie et de son besoin d’être stimulé et accompagné dans des promenades et autres sorties de son domicile, a assigné en référé-provision Mme Y…, épouse Z…, responsable de l’accident, et la société Garantie mutuelle des fonctionnaires ; que l’arrêt, relevant que les constatations opérées par un huissier de justice qui avait, à la requête des défendeurs, suivi et filmé l’intéressé les 15 et 16 novembre 2009, le montraient conduisant seul un véhicule, effectuant des achats, assistant à des jeux de boules, s’attablant au café pour lire le journal et converser avec des consommateurs, accompagnant des enfants à l’école sans aucune assistance -en complète contradiction avec les conclusions de l’expertise judiciaire- retient l’existence d’une contestation sérieuse faisant obstacle à la demande ;

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de statuer, ainsi, alors, selon le moyen : 

1°/ qu’il résulte des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, qu’une filature organisée par l’assureur pour contrôler et surveiller les conditions de vie de la victime d’un accident aux fins de s’opposer à sa demande d’indemnisation constitue un moyen de preuve illicite, dès lors qu’elle implique nécessairement une atteinte à la vie privée de ce dernier, insusceptible d’être justifiée, eu égard à son caractère disproportionné, par les intérêts légitimes de l’assureur ; que l’objectif consistant à contester les conclusions du rapport d’expertise judiciaire médicale concluant à la nécessité de l’assistance d’une tierce personne pouvait être poursuivi par une contre-expertise demandée au juge ; qu’en déclarant admissible le mode de preuve constitué par des renseignements obtenus grâce à une filature de M. X…, trois jours durant, par un enquêteur privé assisté d’un huissier de justice au seul motif que cette violation de l’intimité de la vie privée visait à préserver les intérêts patrimoniaux de l’assureur, sans rechercher si celui-ci ne disposait pas d’autres moyens pour rechercher les preuves nécessaires au succès de ses moyens de défense, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 9 du code civil, 9 du code de procédure civile et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que la cour d’appel, après avoir constaté que le procédé employé par l’assureur, qui avait fait suivre et épier pendant trois jours M. X…, constituait une atteinte à sa vie privée, affirme néanmoins que ce mode de preuve n’était pas disproportionné car les investigations étaient effectuées à partir du domaine public, a statué par un motif inopérant en violation des articles 9 du code civil, 9 du code de procédure civile et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que la cour d’appel constate que l’huissier de justice et l’enquêteur privé ont suivi pendant trois jours M. X… à son insu pendant ses déplacements sur la voie publique ; qu’il en résulte que les constatations faites par l’huissier de justice, ont comme celles de l’enquêteur privé été réalisées dans des conditions caractérisant une atteinte à la vie privée de M. X… ; que le constat d’huissier de justice litigieux constitue lui aussi un mode de preuve illicite ; qu’en retenant néanmoins que « ne constitue pas un procédé clandestin portant atteinte à la vie privée le fait pour un huissier de justice d’effectuer des constats sur la voie publique sans avoir recours à un stratagème », le juge des référés a violé les articles 9 du code civil, 9 du code de procédure civile et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, la cour d’appel a retenu que les atteintes portées à la vie privée de M. X…, sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public, sans provocation aucune à s’y rendre, et relatives aux seules mobilité et autonomie de l’intéressé, n’étaient pas disproportionnées au regard de la nécessaire et légitime préservation des droits de l’assureur et des intérêts de la collectivité des assurés ; que, par ces seuls motifs, l’arrêt est légalement justifié ; 

Et attendu que le pourvoi revêt un caractère abusif ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X… aux dépens ; 

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X… ; le condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à Mme Y… épouse Z… et à la société GMF assurances ;

Le condamne envers le Trésor public à une amende civile de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un octobre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour M. Saïd X… 


Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé l’ordonnance ayant dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision présentée par Monsieur X… ;

AUX MOTIFS QUE M X… a été victime d’un accident le 19 février 1995 ; que l’IPP a alors été évaluée à 66% du fait notamment d’un syndrome frontal important, de séquelles psychiatriques avec syndrome dépressif passant à la chronicité ; qu’aux motifs que son état de santé se serait aggravé, M. X… a saisi le juge des référés afin d’obtenir la désignation d’un expert ; que par ordonnance du 14 août 2008 le Dr A…, psychiatre, qui avait déjà examiné M. X… après l’accident avec deux autres experts, a été commis en vue de rechercher si l’assistance d’une tierce personne auprès de M. X… était désormais nécessaire ; que l’expert a procédé à sa mission et a déposé son rapport le 22 septembre 2009 ; qu’il conclut à l’assistance d’une tierce personne à la date du 26 octobre 2005, de façon définitive, compte tenu de l’absence d’espoir objectif d’une évolution positive au plan de l’autonomie ; selon l’expert cette assistance est justifiée autant pour aider, assister, surveiller et stimuler M. X… dans les actes de la vie courante pour lesquels il y a nécessité du fait de la gravité du handicap définitif lié aux déficits cognitifs tel que la compréhension et donc la logique déductive des situations sociales concrètes ; que selon l’expert ces déficits qui entraînent chez M. X… un ralentissement psychomoteur général, une perte d’autonomie et une perte d’initiative, nécessitent une surveillance telle que la préparation des repas, la surveillance d’une alimentation correcte et de l’hygiène alimentaire et une stimulation pour éviter l’évolution vers l’état d’incurie ; une tierce personne est également nécessaire pour stimuler et accompagner M. X… dans des promenades ou sorties hors de son domicile afin qu’il puisse conserver une certaine dignité sociale ; que Mme Y… et son assureur qui contestent ces conclusions, ont fait procéder par un enquêteur privé, assisté en partie par un huissier de justice, à une enquête les 14, 15 et 16 octobre 2009, au cours de laquelle M. X… a été suivi et filmé lors de ses déplacements en dehors de son domicile ; que l’enquête et le procès verbal de constat des 15 et 16 octobre 2009 ont été réalisés sans mise en oeuvre de stratagèmes ; que l’enquêteur comme l’huissier de justice se sont bornés à suivre les déplacements de M. X… sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public (boulodrome, terrasse de café), dans un temps limité à trois journées ; qu’il n’est pas contestable certes que ce procédé constitue une atteinte à la vie privée de M. X…, qui a été suivi et filmé à son insu; mais il peut être considéré que cette atteinte n’est pas disproportionnée au regard des intérêts en présence ; qu’en effet l’assureur a l’obligation de vérifier si la demande en réparation de la victime est justifiée, sachant qu’il agit également dans l’intérêt de la collectivité de ses assurés ; qu’en l’espèce les investigations de l’assureur, effectuées à partir du domaine public, limitées à la constatation de la mobilité et de l’autonomie de M. X…, visaient à préserver les droits patrimoniaux de l’assurance ; que dès lors il n’y a pas immixtion disproportionnée dans la vie privée de M. X… et ces éléments de preuve doivent être admis aux débats ; que les investigations réalisées révèlent que M. X… conduit seul un véhicule, qu’il accompagne des enfants à l’école, effectue des achats, lit des journaux, converse avec des consommateurs, assiste à des jeux de boules ; que si certes ainsi que l’atteste le Dr B… le 14 décembre 2009, les séquelles présentées par M. X… sont essentiellement liées aux déficits cognitifs et non à un handicap physique, il n’en demeure pas moins que l’expert a justifié ses conclusions notamment par la nécessité de stimuler, accompagner M. X… dans des promenades ou sorties hors de son domicile afin qu’il puisse conserver une certaine dignité sociale ; que ces conclusions qui préconisent l’assistance d’une tierce personne 24 heures sur 24, sont en contradiction avec les pièces produites ; que dès lors l’obligation des intimés envers M. X… est sérieusement contestable ; que c’est en conséquence à bon droit que le premier juge a débouté M. X… de sa demande de provision (arrêt attaqué p. 3, 4) ;

1 °) ALORS QU’il résulte des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil, et 9 du code de procédure civile, qu’une filature organisée par l’assureur pour contrôler et surveiller les conditions de vie de la victime d’un accident aux fins de s’opposer à sa demande d’indemnisation constitue un moyen de preuve illicite, dès lors qu’elle implique nécessairement une atteinte à la vie privée de ce dernier, insusceptible d’être justifiée, eu égard à son caractère disproportionné, par les intérêts légitimes de l’assureur ; que l’objectif consistant à contester les conclusions du rapport d’expertise judiciaire médicale concluant à la nécessité de l’assistance d’une tierce personne pouvait être poursuivie par une contre expertise demandée au Juge ; qu’en déclarant admissible le mode de preuve constitué par des renseignements obtenus grâce à une filature de Monsieur X…, trois jours durant, par un enquêteur privé assisté d’un huissier de justice au seul motif que cette violation de l’intimité de la vie privée visait à préserver les intérêts patrimoniaux de l’assureur, sans rechercher si celui-ci ne disposait pas d’autres moyens pour rechercher les preuves nécessaires au succès de ses moyens de défense, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 9 du Code civil, 9 du Code de procédure civile et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ;

2°) ALORS QUE la Cour d’appel, après avoir constaté que le procédé employé par l’assureur, qui avait fait suivre et épier pendant trois jours Monsieur X…, constituait une atteinte à sa vie privée, affirme néanmoins que ce mode de preuve n’était pas disproportionné car les investigations étaient effectuées à partir du domaine public a statué par un motif inopérant en violation des articles 9 du Code civil, 9 du Code de procédure civile et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ;

3°} ALORS QUE la Cour d’appel constate que l’huissier de justice et l’enquêteur privé ont suivi pendant trois jours Monsieur X… à son insu pendant ses déplacements sur la voie publique ; qu’il en résulte que les constatations faites par l’huissier de justice, ont comme celles de l’enquêteur privé été réalisés dans des conditions caractérisant une atteinte à la vie privée de Monsieur X… ; que le constat d’huissier litigieux constitue lui aussi un mode de preuve illicite ; qu’en retenant néanmoins que « ne constitue pas un procédé clandestin portant atteinte à la vie privée le fait pour un huissier de justice d’effectuer des constats sur la voie publique sans avoir recours à un stratagème », le juge des référés a violé les articles 9 du Code civil, 9 du Code de procédure civile et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

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