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Cette histoire se passe en Espagne, mais elle vient de remonter à la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg, et pourrait donc concerner aussi la France.
nEn septembre 1997, José Luis de la Flor Cabrera est renversé par une voiture, alors qu’il se promène à vélo.
nAprès l’accident, il réclame des dommages et intérêts au conducteur et à sa compagnie d’assurance.
Il invoque une névrose post-traumatique, qui entraîne une peur intense de conduire des véhicules.
Lors du procès devant le juge de Séville, la compagnie d’assurances refuse de payer, en assurant que les séquelles qu’il invoque n’existent pas. Elle fournit comme éléments de preuve des vidéos le montrant en train de conduire une moto. Elles ont été tournées à son insu par une agence de détectives privés qu’elle a engagée.
nEn 1999, le juge de Séville ne fait donc que partiellement droit à ses prétentions, l’indemnité à laquelle l’assurance est condamnée étant inférieure à celle qu’il réclamait.
nLes deux parties font appel. En 2001, l’Audiencia Provincial de Séville considère que les prétentions de l’accidenté sont abusives, dans la mesure où il ne les appuie sur aucun élément de preuve, et que les vidéos des détectives privés sont valides.
nJosé Luis de la Flor Cabrera se pourvoit en cassation, mais, en 2004, le tribunal suprême rejette son pourvoi.
nParallèlement à cette procédure, il entame une action civile pour violation de son droit à la vie privée et à l’image. Il exige non seulement une indemnisation, mais aussi la remise de tous les originaux et de toutes les copies des vidéos.
nLa compagnie d’assurances fait valoir que l’enregistrement des vidéos était justifié, au regard du but poursuivi – la contestation de certaines allégations lors de la première procédure – et cela d’autant plus que l’enregistrement a eu lieu dans des espaces publics et n’a concernait que les activités de la vie quotidienne de M. de la Flor Cabrera.
nLe juge de Séville, puis l’Audiencia Provincial, et enfin la Cour européenne des droits de l’homme que saisit ce dernier lui donnent tort.
nDevant la Cour de Strasbourg, il invoque une violation de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme, qui dit que :
n« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
n2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
nLa Cour, qui a rendu son arrêt le 27 mai, ne voit pas de raisons valables de s’écarter de l’approche des tribunaux nationaux. En effet, elle constate que les images litigieuses ont été prises alors que le requérant se livrait à une activité susceptible d’être enregistrée, en l’occurrence la conduite d’une moto pour des déplacements sur la voie publique. De plus, les images ont été utilisées exclusivement comme moyen de preuve devant un juge. Il n’y avait donc aucun risque d’exploitation ultérieure.
nLa Cour relève par ailleurs que les images du requérant ont été filmées par une agence de détectives privés qui respectait l’ensemble des exigences légales prévues en droit interne pour ce type d’activités : l’agence en question était dûment agréée par l’État et inscrite comme telle dans un registre administratif, et la prise d’images en vue de leur utilisation dans le cadre d’un procès était prévue par l’article 265 du code de procédure civile.
nQuant au but poursuivi par l’utilisation de la cassette vidéo, la Cour juge raisonnable de considérer que les images enregistrées avaient vocation à contribuer de façon légitime au débat judiciaire, afin de permettre à l’assureur de mettre à la disposition du juge l’ensemble des éléments pertinents.
En effet, les images litigieuses contredisaient les affirmations du requérant selon lesquelles il était devenu incapable, à la suite de son accident, de conduire des véhicules à moteur. Dans la mesure où sa demande d’indemnisation était fondée sur cette incapacité, il était nécessaire, de l’avis de la Cour, que tout élément prouvant le contraire pût être soumis au juge. Il y allait de l’intérêt public de garantir à tout justiciable un procès équitable.
Par conséquent, l’ingérence dans le droit du requérant à sa vie privée n’a pas été disproportionnée à la lumière des exigences de l’article 8 de la Convention. En conséquence, il n’y a pas eu de violation de cette disposition de la Convention.
nAlors, avant d’essayer de frauder les assurances, il faudra vérifier que vous n’êtes pas filmé…
nn
Publié sur sosconso.blog.lemonde.fr, le 9 juin 2014
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