Condamné pour adultère au Maroc, il risque de perdre sa nationalité Française

Le parquet de Paris conteste l’obtention de la nationalité d’un homme condamné pour adultère au Maroc.

L’infraction n’existe plus dans l’Hexagone depuis 1975, mais un Franco-Marocain de 49 ans, condamné au Maroc pour adultère, pourrait bien perdre sa nationalité française. C’est en tout cas ce qu’a demandé le parquet de Paris qui a lancé en mai 2022 une action en contestation de l’octroi de la nationalité, a appris BFMTV.com, confirmant une information du Parisien. Une audience s’est tenue devant la chambre de la nationalité du tribunal judiciaire de Paris, ce jeudi 11 janvier, qui rendra sa décision le 29 février, précise le parquet.

En 2008, cet homme, de nationalité marocaine, épouse une Française, qui le rejoint vivre au Maroc. Le couple a deux enfants. Après douze ans de vie commune, le 17 décembre 2020, il dépose une demande pour obtenir la nationalité française auprès du consulat de France à Marrakech.

Selon la loi française, et plus précisément l’article 21-2 du Code civil, il faut au minimum quatre ans de communauté de vie pour obtenir la nationalité française. Le 17 février 2021, une attestation de communauté de vie du couple est établie et l’homme obtient officiellement la nationalité française le 28 mai 2021.

« Il a demandé la nationalité française pour ses enfants, qui sont aussi français, c’est un droit, mais également pour ne pas avoir à demander de visa à chaque fois qu’il se rend en France avec sa compagne et ses enfants pour voir la famille de son épouse », explique Me Yassine Yakouti, son avocat, contacté par BFMTV.com.

« Une présomption de fraude »

Tout semble dans les règles. Pourtant, en mai 2022, le parquet de Paris dépose « une action en contestation de l’octroi de la nationalité ». En d’autres termes, il considère « que cette nationalité n’aurait juridiquement pas dû être accordée », confirme le parquet de Paris auprès de BFMTV.com.

Pour motiver sa demande, le parquet s’appuie sur une condamnation de l’homme, par le tribunal de première instance de Marrakech en août 2021, à six mois de prison ferme pour adultère. Une peine confirmée en appel en octobre 2021. C’est une plainte déposée au début de l’été 2021 par son épouse, mise au courant de la relation extraconjugale de son mari, qui avait lancé cette procédure.

Si l’infraction d’adultère n’existe plus en France depuis 1975, le parquet estime que sa nationalité française n’aurait pas dû lui être accordée.

« Il a en effet été porté à la connaissance de la Chancellerie qu’au jour de la déclaration acquisitive de la nationalité française, le couple n’entretenait pas une communauté de vie affective et matérielle, exigée par l’article 21-2 du code civil », explique le parquet de Paris à BFMTV.com.

Selon l’article 26-4 du Code civil, « la cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l’enregistrement de la déclaration […] constitue une présomption de fraude ». A ce titre, le ministère public a la possibilité de contester cet enregistrement de la nationalité « en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte ».

« Sur ce sujet, la jurisprudence est claire et constante : il n’y a pas de communauté de vie affective en cas d’adultère ou en cas de violences conjugales », ajoute le parquet de Paris.

Le parquet s’appuie également sur les dires de l’épouse de ce franco-marocain, avec laquelle il a, depuis, entamé une procédure de divorce. Dans un courrier de février 2022, adressé au consulat de France, dans lequel elle réclame le retrait de nationalité de son ancien conjoint, elle a expliqué que le couple faisait chambre à part depuis deux ans. Lors d’un entretien au consul de Marrakech, elle a également affirmé qu’elle n’avait pas connaissance de l’infidélité de son mari lors de la signature de communauté de vie, en février 2021, expliquant qu’elle n’aurait jamais signé le cas échéant.

« Voir le parquet s’ériger en père la morale »

Une sanction inacceptable si elle était prononcée, selon ses avocats, Mes Lola Dubois et Yassine Yakouti. « Le parquet se sert d’une condamnation pour adultère prononcée à l’étranger, alors que cette infraction n’existe plus en France depuis cinquante ans », explique Me Yakouti. D’autant que, selon eux, l’absence de communauté de vie ne peut pas être fondée sur un adultère.

« L’adultère ne constitue pas en lui-même une absence de communauté de vie. Une absence de communauté de vie, ça aurait été s’il n’avait pas habité avec elle, s’il ne s’était pas occupé des enfants, s’il n’avait pas participé à la vie de famille. Or, ce n’est pas le cas ».

Et si leur client ne conteste pas la relation extraconjugale, pour laquelle il a été condamné au Maroc, ses avocats estiment également que l’argument de « la chambre à part » ne tient pas. « Ce n’est pas au parquet de rentrer dans la chambre à coucher des gens. Le devoir conjugal n’existe pas en France. On n’impose pas aux gens de dormir dans la même chambre. C’est incompréhensible de voir le parquet s’ériger en père la morale et justifier sa demande ainsi », déplore Me Yakouti.

Quant à l’hypothèse d’un mariage blanc, « ça ne tient pas non plus », ajoute l’avocat.

« Ils sont mariés depuis 2008, la demande de nationalité n’est pas concomitante avec le mariage. C’est elle qui le rejoint au Maroc, ils n’ont jamais envisagé de vivre en France », conclu l’avocat.

Manon Aublanc, source BFM